Penser entre les disciplines
Une esthétique de la connaissance
Qu’entendre par l’invocation d’une « esthétique de la connaissance » ? Manifestement il ne s’agit pas de dire que les formes de la connaissance devraient s’adjoindre une dimension esthétique. L’expression présuppose qu’une telle dimension n’a pas à être ajoutée, comme un ornement supplémentaire, qu’elle est là de toute façon comme une donnée immanente de la connaissance. Reste à voir ce que cela implique. La thèse que je voudrais présenter est simple : parler d’une dimension esthétique de la connaissance, c’est parler d’une dimension d’ignorance qui divise l’idée même et la pratique de la connaissance.
Cette proposition implique évidemment une thèse préalable quant à ce qu’ « esthétique » veut dire. La thèse est la suivante : l’esthétique n’est pas la théorie du beau ou de l’art, elle n’est pas non plus la théorie de la sensibilité. Esthétique est un concept historiquement déterminé qui désigne un régime spécifique de visibilité et d’intelligibilité de l’art, qui s’inscrit dans une reconfiguration des catégories de l’expérience sensible et de son interprétation. C’est ce nouveau type d’expérience que Kant a systématisé dans la Critique de la faculté de juger. L’expérience esthétique implique pour lui une certaine déconnexion des conditions habituelles de l’expérience sensible. C’est ce qu’il a résumé dans une double négation. L’objet d’appréhension esthétique se caractérise en ceci qu’il n’est ni un objet de connaissance ni un objet de désir. L’appréciation esthétique d’une forme est sans concept. Elle n’est pas fonction du savoir selon lequel un artiste a mis en forme une matière donnée.
Les raisons du beau se séparent ainsi des raisons de l’art. Mais elles se séparent aussi des raisons qui rendent un objet désirable ou odieux. Or cette double négation ne définit pas seulement les conditions nouvelles d’appréciation des choses de l’art. Elle définit aussi une certaine suspension des conditions normales de l’expérience sociale. C’est ce que Kant illustre, au début de la Critique de la faculté de juger par l’exemple de ce palais dont le jugement esthétique isole la seule forme, en se désintéressant de savoir si ce palais sert la vanité de quelque noble oisif et quelle sueur les hommes du peuple ont pu dépenser pour le construire. Cela, dit Kant, il faut l’ignorer pour apprécier esthétiquement la forme du palais.
Cette volonté d’ignorance déclarée par Kant n’a pas fini de faire scandale. Pierre Bourdieu a consacré six cent pages à la démonstration d’une seule thèse : cette ignorance est la méconnaissance délibérée de ce que la science sociologique...
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Tobias Huber (éd.), Marcus Steinweg (éd.)
INAESTHETIK – NR. 0
Theses on Contemporary Art
broché, 168 pages
Inästhetik denkt die Kunst von der Philosophie und die Philosophie von der Kunst her, ohne dabei das eine zum Objekt des anderen zu machen, ohne eines ans andere zu binden oder dem anderen unterzuordnen in der Überzeugung, dass in der Philosophie wie in der Kunst das Unendliche nur jeweils unterschiedliche endliche Formgebungen erfährt. Inästhetik zeichnet »die aus der unabhängigen Existenz bestimmter Kunstwerke hervorgehenden intraphilosophischen Wirkungen« nach, wobei die Philosophie die Immanenzebene bereitstellt. Inästhetik bringt ein Denken in Anschlag, das Kunst und Philosophie gleichermaßen als Wahrheitsproduktion auffasst und, im Sinne Badious, die »Treue« zu diesen Wahrheiten aufrechterhält. Inästhetik versucht die Ebene einer allgemeinen Ontologie zu fixieren, auf der sich das Verhältnis von Philosophie und Kunst aufspannt. Inästhetik erscheint als Zeitschrift im Halbjahresrhythmus und stellt unter wechselnden Thementiteln internationale Positionen neben explizit jüngere Ansätze. Inästhetik will internationale zeitgenössische Konfigurationen sichtbar machen und operiert daher bewusst mehrsprachig.